Pendant des années, j’ai géré un portefeuille actions/ETF sans levier. Puis deux évidences :
- Un levier léger (5–30 %) sur un portefeuille diversifié peut améliorer la performance, une fois le coût de l’emprunt pris en compte.
- Interactive Brokers (IBKR) propose des taux compétitifs et un cadre de marge prévisible… à condition de comprendre les règles (marge de maintien, liquidations automatiques, etc.).
Objectif de cet article : expliquer simplement comment ça marche, quand le levier ajoute de la valeur, et jusqu’où aller pour dormir tranquille.
A NOTER : Il faut avoir un compte sur marge sur IBKR pour pouvoir le faire.
Pourquoi un levier léger peut être intéressant
Idée simple : tu empruntes un peu pour agrandir ton portefeuille.
- Si, sur la durée, ton portefeuille rapporte plus que le coût de l’emprunt, le levier augmente ton rendement sur fonds propres.
- Le risque n°1 n’est pas le coût de l’argent, c’est la liquidation forcée en cas de grosse baisse.
Ordre de grandeur du coût chez IBKR
- Le coût est un taux annuel appliqué à la somme empruntée (facturé au jour le jour).
- Exemple concret : emprunter 20 000 $ à ~6 % ≈ 1 200 $/an (≈ 100 $/mois).
- Les taux évoluent et dépendent de paliers : toujours vérifier la page « Margin rates » d’IBKR et ton relevé de compte.
Règle mentale : si ton portefeuille vise 7–9 %/an et que le coût est 5–6 %, un petit levier peut se justifier… si tu maîtrises le risque de liquidation.
Les notions clés d’Interactive Brokers (sans jargon)
Valeur brute (Gross / Positions Value)
La taille totale de tes positions, avant de soustraire la dette.
Valeur nette / Net Liquidation Value (NLV / Equity)
Ce que « vaut ton compte » si on vend tout et qu’on rembourse la dette.
Raccourci mental : Equity = Valeur brute – Dette.
Marge de maintien (Maintenance Margin)
Le minimum de capital qu’IBKR exige pour conserver tes positions.
Calculée par ligne (ETF, actions, etc.) avec un pourcentage propre à chaque instrument, puis additionnée.
Plus un actif est risqué, plus son pourcentage est élevé.
Liquidité excédentaire (Excess Liquidity)
Ton coussin de sécurité. Tant que ce coussin est positif, tu es au-dessus des exigences.
Liquidation automatique
Si ton Equity tombe au niveau de la marge de maintien, IBKR vend automatiquement des morceaux de portefeuille pour remonter au-dessus du minimum.
Ce n’est pas une discussion : la vente est automatique et peut arriver vite en marché volatil.
Ce que cela implique pour toi (la logique en 3 phrases)
- La marge de maintien dépend de la taille de tes positions, pas directement du montant emprunté.
- Plus tu empruntes, plus ton coussin (Equity – Marge de maintien) rétrécit.
- En cas de baisse, IBKR recalcule la marge de maintien en temps réel : si ton coussin s’épuise, la liquidation démarre.
L’exemple Buffett : du levier « patient » sans appels de marge
Oui, Buffett utilise un levier léger… mais pas via un broker.
Chez Berkshire Hathaway, la source principale de levier est le « float » d’assurance : l’argent des primes encaissées immédiatement et des sinistres payés plus tard. Pendant l’intervalle, ce float sert à financer des investissements.
Ce float se comporte comme un financement durable, souvent à coût très faible (quand l’assurance est correctement tarifée, elle peut même être bénéficiaire). Résultat : un levier structurel, stable, et sans margin call. Des travaux académiques ont estimé que Berkshire opérait historiquement avec un levier global légèrement supérieur à 1,5×, tout en privilégiant des entreprises de haute qualité achetées à prix raisonnable.
À retenir pour nos portefeuilles : l’idée n’est pas « plus de levier », mais « mieux financé, plus discipliné, plus long terme ». Dans notre cas, on n’a pas de float, donc on reste léger et on surveille Equity, Maintenance Margin et Excess Liquidity.
Exemples concrets (repères immédiats)
Hypothèse pour se situer : portefeuille « actions/ETF » avec un niveau global d’exigence de marge autour de 60 % de la valeur brute (ordre de grandeur courant ; adapte à tes lignes exactes).
A — Emprunt faible
- Portefeuille : 170 k$
- Dette : 10 k$
- Lecture : la liquidation n’intervient qu’après une chute extrême (de l’ordre de –80 %).
→ Avec 10 k$ de dette, tu es très loin du danger.
B — Emprunt modéré
- Portefeuille : 171 k$
- Dette : 30 k$
- Seuil : liquidation autour d’une baisse de –56 %.
→ Tolérance au krach solide, mais ce n’est plus invincible.
C — Tenir un –70 % avec 140 k$ de valeur nette
- Objectif : encaisser –70 % sans liquidation.
- Dette maximale indicative : ≈ 17 k$.
→ Au-delà de ~17 k$ de dette, tu ne tiens plus –70 %.
D — Emprunter 20 k$ sur 140 k$
- Seuil : liquidation vers –64 %.
→ Tu ne tiens pas –70 % ; il faut réduire un peu la dette.
faible dette → énorme coussin ; dette moyenne → coussin correct ; grosse dette → coussin mince → liquidation possible sur une baisse “normale” de marché.
Où trouver tes chiffres dans IBKR – Interactive Broker (et quoi regarder)
Dans TWS ou Client Portal → Account / Balances / Margin :
- Gross Position Value (ou « Positions ») → ta valeur brute
- Net Liquidation (Equity) → ta valeur nette
- Maintenance Margin → la somme minimale exigée
- Excess Liquidity → ton coussin (Equity – Maintenance Margin)
Lecture immédiate :
- Coussin large → tu peux encaisser des baisses sereinement.
- Coussin mince → tu réduis l’emprunt ou la taille des positions.
Comment décider combien emprunter (procédure simple)
- Fixe ta “baisse tolérable” (ex. tenir –50 % sans liquidation).
- Regarde ton mix d’actifs et estime un niveau d’exigence global (par prudence, pars à 60 % si tu ne sais pas).
- Teste des montants d’emprunt et observe l’impact sur le coussin (Excess Liquidity), tu peux utiliser une IA pour ça.
- Vérifie le coût annuel : 10 k$ à 6 % ≈ 600 $/an ; 20 k$ ≈ 1 200 $/an ; 30 k$ ≈ 1 800 $/an.
- Décide : la sur‑performance attendue compense-t-elle le coût et le risque ? Si oui, reste léger et surveille.
Bons réflexes (check‑list)
- Diversifie vraiment (pas 10 lignes du même secteur).
- Évite de mélanger des positions « tranquilles » avec des lignes à exigences très élevées (options spéculatives, micro‑caps) qui feront grimper ton niveau global.
- Garde du cash (ou des actifs très peu margés) pour amortir les secousses.
- Surveille chaque semaine : Equity, Maintenance Margin, Excess Liquidity.
- Réduis la dette si le coussin devient trop mince.
- Souviens‑toi : la liquidation est automatique et sans appel.
MINI FAQ
« Pourquoi ma marge de maintien est énorme alors que j’ai peu emprunté ? »
Parce qu’elle dépend de la taille de tes positions, pas de ta dette.
« Si mon portefeuille baisse, la marge de maintien baisse aussi ? »
Oui : elle suit la valeur des positions (avec les pourcentages de chaque ligne).
« Pourquoi le levier affiché est 1,05 alors que mon emprunt me paraît “gros” ? »
IBKR calcule un ratio positions / equity. Si tu empruntes peu par rapport à la taille de ton portefeuille, le levier reste proche de 1.
Conclusion pratique
- Un levier léger peut booster la performance après coût si ton portefeuille délivre, sur la durée, plus que le taux d’emprunt.
- Le vrai sujet, c’est le coussin (Excess Liquidity) et la distance au seuil de liquidation.
- Reste sobre : 5–30 % de levier sur un portefeuille diversifié, bien suivi, c’est le bon compromis entre performance et sécurité.
Bonus : méthode « 2 minutes »
- Note tes chiffres actuels : Valeur brute, Equity, Maintenance Margin, Excess Liquidity.
- Pose‑toi : « Combien de baisse je veux encaisser sans liquidation ? »
- Ajuste ton emprunt jusqu’à ce que ton coussin soit confortable pour cette baisse cible.
- Vérifie le coût mensuel de la dette et demande‑toi si la sur‑performance attendue le justifie.